Le camp de Terezin
Elle fut déportée à Térezin en 1942,
elle s'occupa particulièrement des enfants.
Terezin est une forteresse du XVIII' siècle, située à soixante kilomètres au nord-ouest de Prague. La propagande nazie l'appelait « une agréable colonie juive », « un cadeau du Führer aux juifs ». En réalité, il s'agissait de dissimuler la véritable nature de « la solution finale de la question juive ».
Tous ceux qui arrivaient à Terezin devaient passer par un poste de contrôle où ils étaient dépouillés de leur argent et de presque tous leurs effets personnels. Un travail leur était ensuite attribué.
Les
Juifs devaient s'auto -administrer. Gestion du logement et de
la nourriture, répartition du travail, santé et
même, préparation des listes pour les transports
vers l'Est - vers les camps de la mort incombaient aux détenus.
Les prisonniers devaient ainsi dépendre les uns des autres,
être constamment sur leurs gardes et se méfier de
tous.
Avant la guerre, Terezin
comptait environ six mille habitants. En 1942, tous furent déplacés
et réinstallés ailleurs, afin de faire place à
5 3 000 Juifs. En tout, 140 000 juifs passèrent par Terezin
; 88 000 d'entre eux furent ensuite envoyés en camp d'extermination,
pour la plupart à Auschwitz Birkenau. 33 340 moururent
à Terezin, de faim, de maladie, des
conditions de vie déplorables.
Les déportés
venaient de Tchécoslovaquie, d'Allemagne, d'Autriche, de
Hollande et du Danemark. Beaucoup avaient fait des études
supérieures, étaient bien organisés et avaient
une expérience de militant sioniste. Regroupés selon
leurs centres d'intérêts,
ils menaient une intense vie culturelle qui servait de vitrine
à la propagande nazie.
Artistes, intellectuels, scientifiques, tous étaient censés mettre leurs talents au service de " la cité idéale des juifs ", comme disaient les nazis. On pouvait assister à des conférences, à des représentations théâtrales pour adultes et pour enfants, à des concerts, à des récitals de musique, à des lectures de poésie, et lire des journaux et des magazines recopiés à la main. Il y avait aussi un collectif d'artistes chargés de peindre des tableaux représentant une réalité idéalisée.
Au ghetto, les enfants de plus de quatorze ans devaient travailler. Officiellement, l'enseignement y était interdit. Aussi, les prestations régulières des instituteurs, des conférenciers, des peintres et des gens de théâtre entrent dans la catégorie « activités de loisir ».
Ministre
de la Propagande, Goebbels se plaisait à dire : "Pendant
que les juifs de Terezin sont assis au café, boivent, mangent
des gâteaux et dansent, nos soldats doivent supporter tout
le fardeau d'une terrible guerre". Une équipe de cinéma
de Prague tournera même un film de propagande sur la "belle
vie" des juifs à Terezin.
1942-1944 : Avec d'autres
éducateurs, Friedl loge dans la maison des filles L 410.
Elle parvient à animer des ateliers de dessin pour les
enfants.
En plus de ces cours, elle s'occupe
d'enfants traumatisés ou infirmes. Le froid, le surpeuplement
et les maigres ratent de nourriture sont cause de maladies et
d'épidémies dans la « cité idéale
» de Terezin. Indifférente au risque de contagion,
Friedl travaille avec les enfants mis en quarantaine.
Il est difficile de s'empêcher de relire son oeuvre à
la lumière de ce qu'elle a accompli avec ses élèves
et avec les enfants à Terezin, de ne pas regarder en parallèle
les peintures qu'elle fit à partir de son exil de Vienne,
à Prague puis à Hronov, puis à Terezin et
son travail de pédagogue. Friedl DickerBrandels semble
trouver dans la peinture un territoire hybride à la fois
quadrillé par le champ de son exil et de son enfermement,
et déchiré ça et là par des échappées
vitales vers des horizons plus oniriques. Ainsi aux paysages qui
marquent autant de stations vers la fin, répondent comme
des ouvertures ou des refuges les tableaux nourris de visions
de rêve. Il faut avoir lu les lettres qu'elle échangea
avec ses amis, ses élèves, pour saisir la tension
qui l'anime, les images qui l'habitent, les lumières, les
formes qu'elle a retenues, les visions et les exigences impérieuses
qui la maintiennent dans ce monde en le lui faisant oublier. C'est
une sorte de liberté, qu'en peinture et dans son enseignement,
elle exprime par son refus des cadres qu'imposerait le choix d'un
style, une indépendance profonde qui la sauvent et la stimulent.
Elle fera de ce refus de la « leçon », au sens
d'une application de la règle, la clé de son oeuvre
et de son enseignement.